Publié le lundi 20 octobre 2025
La Commission des Jeux de Hasard (CJH) a publié son rapport annuel 2024, et le constat est sévère : le régulateur belge du secteur des jeux et paris se dit au bord de la rupture. Sous-financée, en sous-effectif et confrontée à une avalanche de nouvelles règles, la CJH avertit qu’elle n’a plus les moyens d’assurer pleinement sa mission de contrôle et de protection des joueurs.
Une régulation sous pression
La présidente Magali Clavie et le directeur Steve Mees dressent le même constat : la Commission est à bout de souffle. Fin 2024, elle ne comptait que 38,3 équivalents temps plein, contre 57 prévus dans son plan de personnel.
Faute de moyens, elle n’a même pas pu publier les données financières des opérateurs agréés, pourtant essentielles pour évaluer l’état du marché.
« Nous passons notre temps à éteindre des incendies », résume Clavie. « Nous n’avons pas les ressources nécessaires pour garantir un environnement de jeu sûr et équitable. »
Des réformes mal préparées et une insécurité juridique croissante
L’année 2024 a vu entrer en vigueur plusieurs mesures majeures : interdiction des bonus, interdiction de la publicité pour le jeu, séparation des licences par type d’activité et relèvement de l’âge minimum à 21 ans.
Mais ces décisions, prises sans concertation avec la Commission, ont semé la confusion. Les exploitants ont introduit de nombreux recours et la CJH parle aujourd’hui d’une insécurité juridique généralisée et d’une application quasi impossible sur le terrain.
Plus de joueurs en ligne… et plus d’auto-exclusions
En 2024, 193 342 nouveaux joueurs en ligne ont été enregistrés, portés notamment par l’Euro de football. Parallèlement, le nombre de personnes s’excluant volontairement via le système EPIS a atteint 56 458, soit une hausse de 13 % sur un an.
Près de 80 % de ces exclusions ont été demandées via itsme®, et une nouveauté : un joueur sur cinq a choisi d’ajouter une personne de confiance pour l’accompagner pendant sa période d’exclusion.
De plus, 1 013 joueurs ont été exclus à la demande d’un proche – un record, signe d’une prise de conscience croissante du risque d’addiction.
Limites de mise : un système coûteux et inefficace
Le plafond actuel de 200 € par semaine et par site devait protéger les joueurs vulnérables, mais selon la CJH, il est inefficace et trop coûteux.
En 2024, la Commission a dû verser plus de 450 000 € à la Banque nationale pour les contrôles mensuels de 285 000 joueurs. Or, les joueurs peuvent facilement contourner la limite en ouvrant plusieurs comptes.
La CJH plaide donc pour une mesure plus simple : l’inscription automatique des mauvais payeurs dans la base EPIS, comme c’est déjà le cas pour les personnes en règlement collectif de dettes.
Moins de cafés, moins de bureaux de paris, plus d’activité en ligne
La digitalisation se poursuit inexorablement. Le nombre de cafés autorisés à exploiter des jeux est tombé à 4 272, et celui des bureaux de paris physiques à 408.
À l’inverse, l’activité en ligne continue d’augmenter, avec des pics notables pendant les grands événements sportifs.
Contrôles et lutte contre les sites illégaux
Malgré le manque de personnel, la Commission a mené plus de 250 contrôles en 2024, donnant lieu à 74 procès-verbaux et 403 rapports administratifs.
Plus de 100 sites illégaux ont été ajoutés à la liste noire. La CJH signale toutefois que la lutte reste inégale : de nombreux sites réapparaissent sous de nouvelles URL ou sous forme d’applications mobiles.
Elle appelle à une coopération renforcée avec les banques et les géants du web (Google, Meta, Apple) pour couper les flux financiers vers ces opérateurs non autorisés.
Une réforme espérée pour 2025
Le nouvel accord de gouvernement (janvier 2025) prévoit enfin une réforme structurelle : la Commission des Jeux passera sous la tutelle exclusive du ministre de l’Économie.
L’objectif : transformer la CJH en un régulateur moderne et indépendant, à la hauteur de la transformation numérique du secteur et des modèles européens.